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    Que peut-on apprendre des acteurs
    ayant à concevoir et mettre en œuvre des projets en milieu extrême ?

    Pascal Lièvre, Maître de Conférences à l’Université d’Auvergne et Directeur de recherche au CRCGM, est intervenu lors des Journées Gestion auprès de 60 agriculteurs et formateurs du réseau des Afocg. Il est parti d’une étude de cas contrastés entre deux expéditions d’alpiniste sur la cordillère Darwin (Chili) qui avaient le même objectif. Il s’est posé la question de savoir pourquoi l’une réussit alors que l’autre échoue ?

    Paroles des acteurs de l’expédition « Sur le fil de Darwin »:

    ANALYSE COMPAREE DES 2 EXPEDITIONS

             « Le rêve de Darwin » 2009             « Sur le fil de Darwin » 2011
                                                                  CONTEXTE
    20 alpinistes dont 8 guides de haute-montagne Six membres du Groupe Militaire de Haute-Montagne
    Deux objectifs : la traversée et des sommets  Un seul objectif : la traversée de Darwin
    Préparation minimaliste en six mois par le chef d’expédition Préparation centrée sur le décalage entre l’expérience de l’équipe et l’expérience que nécessite l’expédition + expéditions intermédiaires + tests spécifiques
    --> ECHEC --> REUSSITE
                                                                  ANALYSE
    Un projet d’exploration décalé par rapport au style du chef d’expédition et des autres membres Un projet en phase avec l’institution et les membres de l’équipe
    Fort décalage entre l’expérience de l’équipe et l’expérience nécessaire à la situation Faible décalage entre l’expérience de l’équipe et l’expérience nécessaire à la situation
    Pas de perception de ce décalage Forte perception de ce décalage
    Peu d’apprentissage pendant la préparation Fort apprentissage pendant la préparation
    7 mois de préparation du chef d’expédition en solo et un mois pour trois autres membres Des tests en situation et un an de travail régulier à 6
    Des adaptations permanentes en situation plutôt isolées mais qui n’aboutissent pas car la stratégie de base n’est pas ad hoc Une adaptation quotidienne et un travail à six en phase avec la stratégie

    Dans l’expédition qui réussit, plusieurs facteurs étaient réunis : l’équipe était en position d’apprendre, de s’adapter et d’innover, ce qui n’était pas le cas de l’autre expédition.

    Quelques pistes Manageriales qui sont transférables à d’autres domaines :

    - l’importance de l’engagement des acteurs dans l’activité
    La capacité d’agir des acteurs en situation extrême dépend fortement de leur capacité d’apprentissage en situation qui tient à la nature de leurs engagements et leurs attentes dans le projet. L’engagement des individus est moteur de l’action collective.
    - la perception d’un décalage entre les compétences requises et possédées
    Exemple : les membres d’une expédition prennent conscience que le déplacement sur la banquise est différent de leurs expériences antérieures et ils commencent par un test de quelques jours avant de se lancer dans un projet « grandeur nature ».
    - la question de la combinaison entre divers mode d’action (anticipation, adaptation, exploration et exploitation)
    Exemple : une planification est indispensable à tout projet. Par contre, le plan doit être considéré comme une ressource et non comme un déroulement obligatoire. Dans l'expédition qui réussit, le plan est remis en question chaque jour en fonction de la météo, des nouvelles informations…
    - le retour d’expérience comme connaissance incontournable.
    Exemple : les alpinistes préfèrent utiliser une « vieille » tente encore en état qu’ils connaissent plutôt que le dernier modèle de tente qu’ils ne connaissent pas.