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    Jeanne, maraichère dans l'Aveyron
    S'associer ou embaucher?

    PODCAST (interview complete) à écouter ICI !!!

    (interview réalisée par TransRural Initiatives dans le cadre des Rencontres Nationales 2020)

    Jeanne, 30 ans, a suivi la formation de quatre jours « S’associer ou embaucher ? » proposée par l’AFOCG et l’ADDEAR de l’Aveyron en 2019, suite au départ de son associé. Depuis, elle a embauché une saison, pour se laisser le temps de poser les bases d’un GAEC.

    Bonjour Jeanne, peux-tu présenter ton exploitation ?
    Mon exploitation est basée sur un lieu qu’on a acheté en collectif en SCI en 2014. Dans ce collectif, deux personnes dont moi avons lancé une activité maraîchère. Ça représente une superficie de 1,3 hectare cultivé, dont 1 500 mètres carrés de serres. On est en agriculture biologique et on commercialise tous nos produits via la vente directe, c’est-à-dire dans un magasin de producteurs dans la petite ville d’à-côté et pendant un temps sur un marché de plein vent.

    À quelle époque as-tu suivi la formation « Embaucher ou s’associer ? » de l’AFOCG Aveyron?
    Tout début d’année 2019, en hiver. Je suis adhérente de l’AFOCG du coup je reçois par mail toutes les informations à propos des formations. Là, ça tombait au bon moment pour moi, c’était tout à fait adapté à ce que je cherchais.

    Que cherchais-tu ?
    Je me posais plein de questions parce que mon associé avait choisi de partir. D’un côté, j’étais très contente de pouvoir gérer la ferme toute seule ; d’un autre côté, je me disais qu’il fallait que je trouve un équilibre entre la charge de travail et le côté économique donc j’étais vraiment dans la question : « Embaucher ou s’associer ? ». Je ne pouvais pas continuer toute seule et je n’étais pas prête à m’associer donc j’avais plutôt comme objectif d’embaucher.

    Qu’est-ce que tu en as retenu ?
    La première journée m’a vraiment permis de cerner ce dont j’avais besoin. Ensuite, les deux journées théoriques sur le salariat ou sur l’association m’ont apporté plein d’infos pratiques et m’ont aussi permis de me rendre compte de l’ampleur de ce que c’est de salarier quelqu’un ou de créer une société. Il y avait une comptable qui nous a bien expliqué point par point tous les contrats de travail, c’était hyper précis. D’ailleurs maintenant, à chaque fois que je fais des contrats de travail, je relis point par point les notes de cette formation et je n’ai jamais trouvé d’informations aussi précises. C’était hyper rassurant de se dire qu’on nous donne des infos sur ce qu’on peut faire dans le cadre de la légalité, de connaître nos droits et de pouvoir prendre des décisions en connaissance de cause. Il y a aussi eu des personnes qui ont témoigné de leur groupement d’employeurs ou association. Ça rajoutait un côté très concret à la formation.
    La dernière journée était encore une fois centrée sur nous, nos besoins, qu’est-ce qu’on fait de tout ça… C’était un peu comme une journée de conclusion et en même temps ça permettait vraiment d’embrayer sur de l’action. On nous incitait à prendre cette décision, à commencer à rédiger une annonce pour du salariat ou pour de l’association… Ça m’a vraiment mise en mouvement.

    Tu disais que tu étais arrivée à la formation avec l’idée d’embaucher plutôt que de te ré-associer. Est-ce qu’à la fin du quatrième jour, tu avais changé d’avis ?
    Non, ça a plutôt confirmé mon choix : embaucher pendant une saison pour voir ce que ça fait, sans enlever de ma tête l’idée de m’associer. Mais je crois que j’ai pris conscience que s’associer, ça ne se faisait pas en trois mois avant de commencer une saison.

    Cette formation avait lieu début 2019, et dès 2019 tu as embauché quelqu’un pour une saison…
    Carrément. Je suis sortie de la formation avec ma petite annonce rédigée. Peu après, je l’ai mise au magasin de producteurs et quelques semaines après, j’avais trouvé la personne avec qui j’allais passer la saison maraîchère, de mars à octobre. Elle avait déjà une expérience en maraîchage donc ça m’a rassurée. Elle avait un diplôme agricole aussi et elle avait déjà pour projet de s’installer donc il n’y avait pas d’enjeu à se tester pour savoir si on va plus loin ensemble. C’était une très chouette saison. On était toutes les deux pas très à l’aise avec ces rôles-là (employeur, employée) et on a pu en débriefer régulièrement.

    De manière très concrète, à quoi la formation t’a-t-elle servi dans cette relation de saisonnier/patron ?
    Je dirais à adopter la posture d’employeur. Je me rappelle avoir conscientisé ce que ça voulait dire d’employer quelqu’un, quels étaient nos devoirs envers la personne, comme regarder l’ergonomie du lieu de travail (qui d’ailleurs peut servir au paysan aussi). Je me rappelle aussi d’un outil qui proposait de lister quels seraient les besoins de la personne qu’on accueillerait en salariat…

    J’ai entendu qu’aujourd’hui, tu envisages de t’associer. Où en est ce projet ?
    Le salariat c’était une bonne expérience, mais je me rappelle en avoir conclu que payer le salaire d’un salarié, des fois ça fait qu’il n’y en a plus pour nous à la fin. Au niveau de la charge physique, j’ai vraiment pu respirer un peu mais au niveau de la charge mentale, ça m’en a rajouté de devoir gérer le planning de quelqu’un, son rythme, de me demander : « est-ce qu’elle avait toutes les infos pour bien faire son travail ? », tout ça… J’en ai conclu que c’était plus confortable d’avoir une associée.
    Donc j’ai ressorti mes petites notes de la formation et j’ai fait une petite annonce. Je l’ai écrite et l’ai d’abord diffusée aux personnes qui m’entourent, des copains, voisins. Deux personnes ont répondu présentes donc je n’ai pas cherché bien loin... C’est le côté pratique: un lieu collectif ça draine plein de gens. Le fait que je propose une annonce claire ça a permis à ces personnes qui hésitaient un peu de se positionner clairement.
    La personne qui s’associe avec moi a une formation agricole en arboriculture, elle est intéressée par le lieu collectif, elle est hors-cadre familial et elle n’a pas des années d’expérience en maraîchage mais c’est pas grave, elle a envie de s’installer, c’est ça qui m’importe.

    Et dans les différents échanges que vous avez eus avant de prendre votre décision, y a-t-il des choses apprises en formation que tu as pu appliquer ?
    On a ressorti les documents de cette formation « Embaucher ou s’associer ? » pour nos premières réunions. On a utilisé plein d’outils, notamment pour préciser nos besoins économiques privés, se les présenter, voir si ça allait le faire. Un des exercices qu’on nous avait fait faire, c’était de parler des grandes valeurs, des trucs un peu abstraits qui nous définissent et qui nous motivent à s’installer. Le confinement aidant, on a pris le temps de faire tous ces petits exercices qui permettent de savoir si on est sur la même longueur d’ondes dans notre rapport au travail, à l’argent…
    Après, sur les types de société, j’ai ressenti le besoin de retourner à une formation sur les sociétés agricoles parce que je voulais être sûre qu’on fasse le bon choix et qu’on fasse ce choix à deux. Mais c’est aussi parce que dans les formations, on trouve toujours un accompagnement humain et que ça fait du bien de se sentir entourée quand on prend une décision importante.

    La société est donc en création ?
    Oui, on a choisi de faire un GAEC et on est en train d’écrire les statuts. Toute cette saison 2020, on a fait une année de CEFI (Contrat emploi formation installation) pour tester l’association.


    Je reviens à la formation « S’associer ou embaucher ? ». Est-ce que tu la recommanderais ? À qui ?
    Oui carrément, aux gens qui hésitent entre les deux. C’est d’autant plus riche parce que ça permet vraiment de trier, de voir les avantages de l’un, de l’autre, et de prendre les décisions en connaissance de cause.

    Interview réalisée par une journaliste de TransRuralInitiatives

    dans le cadre des Rencontres Nationales 2020

    Le mot de Noémie, animatrice-formatrice

    « Nous avons organisé cette formation pour la première fois en 2019 et nous avons recommencé en 2020 car nous avons été très surpris du succès de la première session, qui a attiré une dizaine de participants aux profils variés mais qui partageaient les mêmes questionnements, les mêmes réflexions... ça faisait quelques années que nous trottait dans la tête l’idée de proposer une formation sur la question du travail, mais on ne savait pas comment l’aborder. L’ADDEAR faisait une formation sur l’association en agriculture alors je suis allée à sa rencontre et on a réfléchi ensemble à cette formation, qui se voulait un temps de réflexion dont on ressort avec plus de questions qu’au départ, mais qui apporte quand même des éléments techniques très précis, sur les charges patronales ou sur les différents types de société, avec le chiffrage très poussé de quelques scénarios. »