Je suis installé dans le nord de la Mayenne. Je fais 220 000 l de lait sur 37 ha. Quand les prix du lait ont continué de baisser, c'était pour moi la 2e crise de ma carrière, la 1ere ayant été le dépôt de bilan de l'entreprise laitière avec qui je travaillais. J'avais besoin de prendre du recul, de remettre les idées en place.
J’ai d’abord fait un bilan de mon exploitation : en quoi elle est fragile, en quoi elle est costaud. La fragilité principale est que je suis seul sur la ferme, donc qu’est-ce qui se passe si j’ai un problème de santé ? Ensuite, il n’y a pas de politique à long terme : quel avenir pour nos exploitations quand ça fait le yoyo ? Enfin, mon exploitation est de petite taille avec peu de possibilité de développement à cause du prix du foncier qui flambe et une dépendance extérieure pour l’alimentation des animaux. En face de ça, mon exploitation a plusieurs points forts : mes compétences en gestion, une structure à taille humaine, pas de risque de mésentente avec des associés, un bon potentiel de production sur mes terres, une situation financière saine.
Des échanges qu’on a eus dans le groupe d’agriculteurs, je retiens plusieurs choses : on ne peut pas avoir de gains sans perte ; si on optimise trop, on n'a plus de marge de manœuvre ; quand on supprime une politique de régulation, on est capable de se regrouper et de créer notre propre politique. C’était très intéressant de discuter avec des maraichers qui ont des questions semblables aux nôtres sur l’organisation du travail et qui arrivent à vivre sans les aides.
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Un contexte vécu de façon différente selon les exploitantsNous avons ensuite travaillé plus spécifiquement sur le contexte en analysant un certain nombre de données (évolution des prix, résultats RICA…). J’ai été marqué par la situation dans la région : éleveurs de porc à plus de 100% de taux d’endettement, difficultés en bovins viande… On s’est rendu compte qu’il y avait des points de vue différents : par exemple, les fluctuations de prix sont vécues comme quelque chose de nouveau ou d’habituel en milieu agricole. D’où l’idée de confronter nos données et nos impressions. Je me suis aussi rendu compte qu’il faut dégager du revenu si on veut vivre comme les autres catégories professionnelles. |
La dernière étape a été d’apprécier nos marges de manœuvre financières. Chacun s'est penché sur ses résultats économiques (prix d'équilibre, gestion de la trésorerie). Ça m’a permis de savoir si ça passe ou pas en fonction du prix du lait et m'a amené de la sérénité. J’ai vu par exemple que le ratio valeur ajoutée sur chiffre d'affaire a baissé de 48 à 36% entre 2008 et 2009 à cause du prix du lait. On s’est aussi rendu compte que pour certains, même les années où le prix du lait a augmenté, il n’y a pas eu d'augmentation de revenu car la course à la production s’est faite sans surveiller les coûts.
Cette formation a amené des discussions sur la « taille économique » de l’exploitation, le travail, l’aspect agronomique et la maitrise des investissements… Quand on prend une ligne directrice, il est important de s'y tenir. Dans mon cas, je me suis dit que je pourrais développer un peu ma ferme mais sous certaines conditions. Je ressens encore plus la nécessité d’être en cohérence au niveau agronomique car sinon les rendements chutent. Avec les chiffres, je me suis recentré sur mon exploitation alors qu’avant, j’avais des doutes si je devais continuer ou pas. Pour mon équilibre économique, j'ai supprimé la production de bœufs. Ça a été difficile mais j'ai assumé les décisions que j’ai prises. J'ai maintenant moins de boulot, ça m'a permis de prendre du recul et j'ai gagné en sérénité.
Mon objectif aujourd'hui est de mettre mon argent dans le privé plutôt que sur mon exploitation. Je ne prépare pas pour une reprise car je ne veux rien imposer. Je pense qu'une structure comme la mienne a plus de chance d'être reprise qu’une grosse exploitation.
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